Dissonance

Pour un autre théâtre lyrique contemporain

Le « Visual Music Facilities Theatre »

David Verdier

 

L’exigence de modernité vis-à-vis de la musique produit une série de paradoxes : dématérialisation de la musique, banalisation des moyens et globalisation des lieux de diffusion. Ces paramètres éloignent plus que jamais l’auditeur des véritables problématiques de l’écoute. Le contact est aujourd’hui rompu entre un public devenu « consommateur » et la réalité du phénomène musical (production, esthétique, etc.). Par ailleurs, la salle de concert abrite encore le mythe du point d’écoute idéal — que chacun cherche à atteindre, quitte à payer plus cher un emplacement réputé meilleur. De cette place utopique, voilà l’auditeur observant le spectacle, tel le surveillant au centre de la prison panoptique — à la fois point de mire et sujet observant.

 

Visual Music Facilities Theater / Valerio Maria Ferrari

Valerio Maria Ferrari, Visual Music Facilities Theatre : vue d’ensemble. © pour toutes les illustrations de cet article : Pro Litteris

 

Le concept de la salle de concert n’a — à quelques variantes près (notamment la Philharmonie de Berlin par Hans Scharoun) — jamais évolué trop loin du modèle unique « à l’italienne ». Cette disposition a toujours laissé croire à l’existence d’un lieu d’écoute privilégié : loge principale, catégories « favorites », etc. Certains compositeurs, comme Luigi Nono, ont dénoncé le fait que les salles soient compartimentées très précisément sur un modèle hiérarchique, plus souvent lié à une tradition qu’à une réalité acoustique. Cette recherche du point idéal est non seulement un leurre doublé d’une utopie sur le plan du calcul acoustique ; elle est également une dérive perverse née de la « pensée hi-fi » de tous ceux qui crurent et croient encore pénétrer dans une salle comme pour écouter un disque dans leur salon. Ni fidèle ni encore moins hautement fidèle, la réalité de l’écoute en concert, naïvement appelée « musique vivante » (par opposition à la musique dite « enregistrée ») est imprévisible, parfois décevante, de temps en temps émouvante mais toujours « risquée ». « L’oeil écoute... » dans un fonctionnement complexe propre aux organismes vivants : seule l’écoute en concert produit une stimulation sensorielle active chez l’auditeur.

 

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Cet article a paru dans le numéro 113 de DISSONANCE (mars 2011).

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