Dissonance

Caressant l’horizon

Création mondiale de « Caressant l’horizon » d’Hector Parra par l'Ensemble intercontemporain (Paris, Cité de la musique, 9 novembre 2011)

Laurent Vilarem

 

L’Ensemble intercontemporain offrait deux créations pour ce concert qui s’intégrait dans le cycle « La Mélancolie » à la Cité de la musique de Paris. À la première mondiale de Caressant l’horizon du jeune compositeur Hector Parra répondait In der Matratzengruft, l’ultime œuvre de Mauricio Kagel, décédé en septembre 2008.

Caressant l’horizon fait suite à l’opéra Hypermusic Prologue, que Parra a créé à l’Ircam en 2010 sur un livret de l’astro-physicienne Lisa Randall. Le compositeur catalan y poursuit son étude des phénomènes du cosmos avec cette fois l’exploration de « ce que nous pourrions éprouver physiquement si nous étions traversés par la collision de deux trous noirs ». Avec son orchestre séparé en deux polarités, Caressant l’horizon s’apparente à un poème symphonique pour grand ensemble. L’orchestration enchevêtre des strates superposées avec une densité proche du « grain » de l’électronique. Mais la violence du discours musical s’enferme bien souvent dans un rapport binaire tension/détente et n’échappe pas à un sentiment de virtuosité creuse que l’ample durée (près de 30 minutes) ne réussit pas à masquer. On retient néanmoins l’énergie déployée par le chef Emilio Pomárico, qui donne à la tête de l’Ensemble intercontemporain tout le brillant tellurique souhaité par le compositeur.

La deuxième œuvre au programme changeait radicalement d’atmosphère. In der Matratzengruft (dans le lit tombeau) est en effet la dernière pièce écrite par Mauricio Kagel. S’inspirant du Romanzero qu’Heinrich Heine écrivit sur son lit de mort, l’œuvre se compose de quinze courtes mélodies dans un registre majoritairement pathétique. Traitant le cycle dans la continuité, Kagel utilise le petit ensemble instrumental comme un ensemble de solistes et porte une attention de tous les instants au texte, supérieurement rendu par le ténor allemand Markus Brutscher. D’une grande ampleur (près de 40 minutes) qui n’est pas sans rappeler les grands cycles mélodiques de Schubert et Mahler, In der Matratzengruft se heurte néanmoins à l’écueil de la littéralité. Les effets imitatifs y pullulent : roulades de flûtes pour signifier un insecte charognard, frappement de mains pour dire l’écho ou bien glissando de violon pour imiter l’envol d’un oiseau, qui redoublent plus qu’ils ne prolongent l’émotion poétique.

En somme, le concert du toujours efficace Ensemble intercontemporain donnait à entendre, dans sa première partie, l’œuvre brillante et virtuose qu’on attendait d’un jeune compositeur installé en France, et d’autre part, celle d’un compositeur délesté de toute nécessité de plaire pour faire chanter sa nécessité intérieure. Mission parfaitement accomplie dans les deux cas, avantage néanmoins à Kagel, privilège de l’âge et trajectoire de l’œuvre oblige.


by moxi